Sentant la situation économique et politique se dégrader fortement en Argentine, Agustina a décidé qu’elle n’avait d’autre choix que de partir si elle voulait construire un jour un meilleur avenir. « La génération de mes grands-parents pouvait s’offrir une maison mais cette époque est révolue depuis longtemps », explique Agustina. « Aujourd’hui, les gens s’inquiètent de savoir s’ils pourront payer leur loyer ».
Début 2021, en pleine pandémie, Agustina a poursuivi inlassablement ses démarches auprès de l’administration publique pour s’inscrire à un Master en services publics et politiques sociales à Salamanque, en Espagne. « On rencontre tous des difficultés quand on décide de migrer - Le processus bureaucratique pendant la pandémie a été un vrai chemin de croix pour moi », dit-elle en riant.
À son arrivée en Espagne, le processus d’adaptation s’est avéré plus facile que prévu car la plupart de ses camarades étudiaient les politiques sociales et elle sentait qu’ils étaient plus ouverts d’esprit à l’égard des migrants. Quelques mois plus tard, au cours de leurs appels téléphoniques nocturnes, ses parents remarquaient déjà les nouveaux mots qu’elle utilisait et son accent légèrement différent.
Toutefois, il a fallu du temps à Agustina pour s’accommoder de la froideur européenne. « En Argentine, on peut appeler quelqu’un en lui disant ‘je suis devant chez toi’ et la personne t’invite chez elle. Ici, il faut prévoir plusieurs semaines à l’avance », plaisante-t-elle.
L’Espagne m’a ouvert les yeux sur de nombreuses choses dont je n’avais pas conscience. En Argentine, je ne connaissais pas autant de migrants latino-américains ou africains qu’ici en Espagne. Je porte désormais un petit morceau de culture de chaque personne que je rencontre.
Pour soulager son mal du pays, avec ses amis latino-américains, elle organise souvent des dîners dominicaux. Quand elle se sent particulièrement déprimée, elle appelle sa abuela pour lui demander une recette d’empanada, ce qui illumine leur journée à toutes les deux.
« Parfois, j’envisage de rentrer à la maison », avoue Agustina, « puis j’entends mes amis parler des difficultés qu’ils rencontrent. » De nombreux jeunes Argentins n’ont pas l’occasion de terminer leur diplôme et doivent trouver un emploi très tôt. « Ce n’est pas le genre d’avenir que je souhaite pour moi-même ou ma future famille », confie-t-elle.
Agustina se considère comme une fervente militante pour les droits des femmes et a déjà travaillé avec plusieurs organisations à but non lucratif. Dans sa province, les femmes sont plus vulnérables à la violence fondée sur le genre et l’avortement est récemment devenu illégal. Passionnée par les questions migratoires, elle aide des femmes migrantes à écrire leur CV et sensibilise les adolescents à la discrimination et au discours haineux.
Pour développer davantage ses compétences analytiques, Agustina a récemment assisté à une formation organisée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans le cadre de l’Initiative Migrando Miradas. Le projet encourage la communication éthique sur la migration parmi les futurs professionnels des médias et soutient la lutte contre les fausses informations, la xénophobie et le discours haineux.
L’Argentine sera toujours le pays d’Agustina et elle y retournera volontiers pour rendre visite à sa famille et à ses amis, mais son objectif actuel est de trouver un emploi, de poursuivre ses études et de s’épanouir en Espagne.
Par-dessus tout, elle espère rendre fiers ses parents.
L’an dernier, ils sont enfin venus pour sa remise de diplôme. « Pour la première fois, ils ont pu voir l’Agustina qu’ils ont toujours connue dans son nouvel environnement et ils ont compris. Ils m’ont dit de rester si cela me rendait heureuse ».
Le Projet « Migrando Miradas » est financé par le Ministère espagnol de l’inclusion sociale, de la sécurité sociale et de la migration.